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Eden 2.0

La grande nuit est tombée, et peu d’entre nous réalisaient ce que nous laissions derrière nous. Nous pensions que la vie s’arrêtait avec nous. Nous avions jonché le monde d’un remugle d’objets et de structures, nous avions bousculé les paysages, dévié les cours d’eau, altéré le climat, sans nous imaginer qu’ils puissent être la dernière trace de notre passage.

Ces témoins resteraient muets, sans historiens ni archéologues pour les interpréter et les comprendre. Débarrassés de leur utilité, les objets retrouveraient leur dimension magique et mystérieuse. Artefacts tapis dans l’ombre, ils attendraient.
On leur donnerait un nom étrange, dans un langage qui n’existerait pas en dehors de Babylone. Ils apaiseraient les peurs et expliqueraient la mort, la beauté, le temps et les saisons. Ils deviendraient sacrés ou sacrilèges.

Ceux qui nous ont survécu se meuvent et survivent parmi nos cadavres. Comme nous, ils se nourrissent, s’abritent, voyagent, et craignent le froid et la faim.
Comme nous, ils sont curieux et sensibles, intelligents et capables d’amour. Parfois, ils sont la violence du monde.

Mais ils ne connaissent rien de notre chute. Ils sont vierges comme les territoires qu’ils explorent. Ils ne nous voient pas.
Ils ont d’autres fantômes et d’autres légendes. La mémoire de l’humanité s’est rompue. Nous avons disparu dans la boue qu’ils foulent jour après jour, avec la candeur des premiers Hommes.

Thomas B.